Reconstitution d’une force militaire importante, début d’implantation permanente à l’étranger, actions militaires et diplomatiques en Asie menées indépendamment des États-Unis …: le Japon est en train de passer progressivement du statut de pays pacifiste à celui de puissance militaire de plus en plus forte et active.
Le magazine l’Histoire, dans son numéro spécial sur le Japon sorti à l’été 2008 en parlait comme d’une puissance paradoxale : paradoxale au sens où le Japon est une des premières puissances économiques du monde et dont la culture s’exporte dans le monde entier mais qui a un rôle géopolitique et militaire quasi-nul avec notamment sa sécurité face à la Chine et la Corée du Nord assurée par les États-Unis maintenant de nombreuses bases militaires dans l’archipel.
Cette situation est directement héritée de la Seconde Guerre Mondiale dont le Japon était sorti vaincu avec des forces armées réduites à un rôle purement défensif et une nouvelle constitution lui interdisant de faire la guerre. Mais cette situation est maintenant en train de changer.
Il y a déjà un moment que le Japon est en train de reconstituer une force militaire et d’intervenir sur des théâtres d’opérations étrangers : en 1992 au Cambodge au sein de forces de l’ONU, en 2004 en Irak au sein de la coalition menée par les États-Unis. En 2006, le Japon s’est même doté d’un véritable ministère de la défense. Le budget japonais de la Défense était en 2008 le septième du monde et la flotte japonaise devrait être la quatrième du monde en 2012.
Depuis l’année 2010, une série d’évènements montrent une accélération de ce retour du rôle militaire du Japon.
Ce fut d’abord en juillet 2010 la décision de la construction à Djibouti de la première base permanente japonaise à l’étranger depuis 1945. Cette construction, motivée par la piraterie au large des côtes somaliennes, a été inaugurée le 7 juillet 2011.
Ensuite en décembre 2010 le gouvernement japonais a décidé d’un redéploiement de ses forces armées face à la Corée du Nord et à la Chine suite aux tensions persistantes avec ces deux pays. Parallèlement, il a été annoncé que le nombre de sous-marins japonais, de 18 fin 2007, pourrait être porté à 22 en 2016.
Ces mêmes tensions politiques et militaires en Asie ont amené à une rencontre entre les ministres de la Défense japonais et sud-coréen au mois de janvier 2011 pour renforcer la coopération militaire entre le Japon et la Corée du Sud. Plus de précisions ici :
Le Japon et la Corée du Sud renforcent leurs… par NTDFrancais
Ce rapprochement nippo-coréen devait aboutir à un véritable traité qui a finalement échoué.
En décembre 2011, le gouvernement japonais a autorisé les entreprises japonaises a exporter des armes et à collaborer avec d’autres pays que les États-Unis, son principal allié traditionnel.
L’annonce, en janvier 2012, par le président américain Barack Obama de la nouvelle stratégie de défense américaine consistant à encourager les alliés des États-Unis à renforcer leurs propres capacités militaires ne peut qu’encourager cette nouvelle politique japonaise. En avril de la même anneé , la visite au Japon du premier ministre britannique a été marquée par la signature d’un traité anglo-japonais de construction et de développement conjoint d’équipement de défenses et en juin, les députés japonais ont voté une loi autorisant l’usage des satellites à buts militaires.
La forte tension avec la Chine provoquée en septembre 2012 par l’annonce de la nationalisation par le Japon des îles Senkaku (manifestations et attaques en Chine contre des intérêts japonais, menaces de représailles par le gouvernement chinois) va aussi probablement encourager cette tendance au renforcement des capacités militaires japonaises. Le gouvernement japonais prévoit d’ailleurs pour 2015 de déployer des troupes sur le sud-ouest de l’île de Yonaguni, à l’extrémité sud du Japon.
L’opinion publique japonaise elle-même est peut-être en train d’accepter ce changement : d’après un sondage fait en 2012, 25 % des personnes interrogées pensent en effet que le Japon devrait accroître sa puissance militaire, contre 14 % il y a trois ans et 8 % en 1991.