Le shintoïsme est une des principales religions du Japon. Très différente du christianisme, elle est par certains côtés proche des cultes des anciens Grecs, Celtes et Romains.
D’abord parce que loin d’être apparue à une date précise suite à la prédication d’un prophète, elle s’est formée progressivement depuis la préhistoire. Ensuite parce qu’elle regroupe plusieurs millions de dieux présents partout dans la nature et pouvant intervenir dans les moindres aspects de la vie des hommes, des grands dieux créateurs du monde comme Amaterasu aux plus petits dieux gardiens d’une simple rivière en passant par les dieux de l’écriture, des médicaments… On a pu pour ces raisons qualifier le shintoïsme de religion animiste. Parler de dieux d’ailleurs est un peu faux : le terme japonais pour les désigner, kamis (神) devrait plutôt être traduit par Esprit supérieur. Certains hommes considérés comme exceptionnels ont même été après leur mort élevés au rang de kamis : l’empereur Meiji (qui règna de 1867 à 1912) et l’amiral Togo (vainqueur de la Russie en 1905).
On trouve des temples shinto (appelés jinjas) partout et de toute taille, des simples espaces sacrés de quelques mètres carrés consacrés à un kami purement local au grand sanctuaire du Meiji-Jingu à Tokyo (dédié à l’empereur Meiji cité plus haut). Mais tous ont la particularité d’être à ciel ouvert, sans mur ni toit. L’entrée en est marquée par un portail rouge appelé torii. C’est au centre du sanctuaire que se trouve le bâtiment dédié aux prières : une cloche sert à appeler le ou les dieux auxquels les fidèles adressent une prière silencieuse après avoir tapé deux fois dans leurs mains. Il est habituel avant la prière de se purifier les mains et la bouche à une source d’eau située un peu après l’entrée du temple.
Dans ces temples se célèbrent aussi des mariages : 16% des mariages célébrés au Japon se feraient selon la tradition shinto. J’ai eu la chance d’y assister et ai été au départ frappé par le rituel très différent des mariages chrétiens, avec notamment une musique languissante permanente, presque psychédélique. On peut célébrer aussi pour les nouveaux-nés l’équivalent du baptême chrétien. Ces cérémonies, tout comme l’entretien et la gestion au quotidien des temples, sont gérés par des prêtres (et prêtresses) formés dans des écoles spécialisées. Leur grande affaire est la vente aux fidèles d’amulettes destinées à porter chance aux examens, en affaire, dans les compétitions sportives, en amour…
Le shintoïsme a eu un côté religion d’état officielle, depuis la rédaction des chroniques officielles du Kojiki et du NihonShoki au 8ème siècle qui affirmaient l’origine divine des empereurs du Japon. Il fut pour cette raison religion d’état de 1868 à 1945, époque de restauration de l’autorité du pouvoir impérial.
On peut voir encore un shintoïsme utilisé à but politique au temple Yasukuni de Tokyo qui est consacré aux soldats japonais morts de 1868 à 1951… dont parmi eux des criminels de guerre de la Seconde Guerre Mondiale. Des visites régulières qu’y font des chefs de gouvernement, ministres et députés japonais donnent lieu régulièrement à des fortes critiques dans les pays d’Asie voisins victimes du militarisme japonais des années 30 et 40.
Ceci concerne (heureusement) un temple shinto et un seul. Plus personne ne croyant à la réalité des chroniques du Kojiki et du Nihonshoki, la religion shinto n’appelant en outre pas à des débats théologiques complexes, n’ayant pas le côté mystique et sacré qu’on peut trouver dans le christianisme, l’immense majorité des Japonais ont une relation assez simple et directe avec leurs kamis. J’ai été (et je le suis encore) frappé de voir dans les temples prier aussi bien des personnes âgées que des jeunes habillés de façon très branchée en passant par des hommes d’affaires en costume cravate, tous sans se cacher ni donner de solennité particulière à leur prière. Les temples shinto sont particulièrement pris d’assaut pendant les fêtes du nouvel an japonais, tout le monde, jusqu’au personnel politique, se pressant pour demander la protection des kamis et retirer des amulettes porte-bonheur.
Certaines entreprises financent même des temples shinto en échange de prières à leur attention … et de publicité : j’ai ainsi visité un temple de l’agglomération de Osaka qui affichait le logo du club local de baseball. Un peu comme si Notre-Dame de Paris affichait les couleurs du PSG!
Bref une pratique religieuse très – si j’ose dire- décontractée, loin de la pratique chrétienne. On a pu dire que les Japonais ne sont pour cette raison pas vraiment croyants mais plutôt superstitieux. Ça peut être vrai … si on oublie que la notion de superstition a été inventée par l’Église catholique à l’époque médiévale pour dénigrer les anciens rites païens et que du point de vue athé toutes les religions sont par nature des superstitions.
Ceux qui veulent creuser le sujet du shintoïsme pourront acheter une version en français du Kojiki aux éditions du corridor bleu, lire ce livre en ligne ou aller visiter le temple shinto français du Komyo-Inn en région Bourgogne.