Si les femmes japonaises étaient plus nombreuses à travailler et moins obligées d’être des femmes au foyer, l’économie du Japon pourrait se redresser : des préconisations et rapports récents ont le mérite de défendre l’égalité hommes-femmes au nom de l’efficacité économique.
Un rapport de Goldman Sachs estimait dés 2010 que le PIB japonais pourrait augmenter de 15% si le taux d’activité des femmes était aussi élevé que celui des hommes. La directrice du FMI a réenchéri en octobre dernier en affirmant que « plus de Japonaises au travail pourrait sortir le Japon de l’ornière économique dans lequel il se trouve actuellement« . En effet, le Japon est confronté au problème d’une faible fécondité (1,39 enfants/femmes en 2010) non compensée par une immigration qui reste assez faible (le nombre d’étrangers vivant au Japon a même baissé en 2011).
Conséquence : la population japonaise pourrait baisser de plus de 32% d’ici à 2060, ce qui signifie vieillissement de la population, baisse du nombre d’actifs, difficulté croissante à financer les systèmes de protection sociale et difficultés économiques accrues.
Cette faible natalité s’explique par la précarisation croissante de l’emploi des jeunes faisant qu’ils sont de plus en plus nombreux à penser pour cette raison ne pas pouvoir fonder une famille et restent donc célibataires. Ceci est lié à un modèle familial qu’on pourrait qualifier de conventionnel : femme au foyer/homme au travail, ce dernier apportant la totalité des revenus de la famille d’où l’importance cruciale qu’il ait un emploi stable avec un revenu assez important. Il est donc logique que la précarité de l’emploi amène un nombre croissant d’hommes à renoncer à se marier et à fonder une famille : 20% des Japonais de plus de 50 ans sont célibataires en 2011 contre 5% en 1991.
Ce modèle familial conventionnel est renforcé par une politique familiale assez timide : peu de places en crèches, frais de naissance, d’entretien et d’éducation des enfants mal remboursés … qui décourage conciliation de l’emploi et de la maternité poussant ainsi les femmes japonaises à rester femmes au foyer. Les choses changent (les femmes japonaises représentent actuellement 40% de la population active et le nombre de femmes mariées qui travaillent dépasse celui des femmes au foyer depuis 1984) mais lentement : les emplois occupés par les femmes mariées sont surtout des emplois faiblement payés et/ou à temps partiel, 70% d’entre elles arrêtent le travail à la naissance de leur premier enfant et, d’après une étude de 2009, 60% seulement des femmes japonaises estiment que leur place est au travail.
Plus alarmant : la proportion de Japonaises estimant que leur place est exclusivement à la maison pour s’occuper du ménage et des enfants est plus importante chez les jeunes. Origine possible : la précarisation croissante de l’emploi faisant qu’un nombre croissant de Japonaises peuvent penser qu’il leur est impossible d’avoir un emploi stable et correctement rémunéré.
Remettre les femmes japonaises au travail permettrait de mettre en place ce que Masahiro Yamada, professeur spécialiste de sociologie familiale à l’Université Chuo de Tokyo qualifie de « cercle vertueux » : plus de femmes au travail signifie plus d’aisance financière dans les familles donc plus de facilité pour avoir et élever des enfants, donc hausse de la fécondité, donc redémarrage de la croissance démographique laquelle dynamiserait l’économie.
Les quelques mesures qui ont pu déjà être prises par les autorités gouvernementales ont pu contribuer à faire remonter légèrement le taux de fécondité (1,26 enfants/femme en 2005, 1,39 en 2010) mais elles ne suffisent pas : il y a nécessité et d’une politique familiale enfin active et du renforcement de la sécurité de l’emploi.
Sources :
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