Histoire résumée du Japon


De la préhistoire à l’histoire (jusqu’en 587)

L’occupation humaine du Japon daterait au plus tard de 50 000 ans av JC. A partir de 11 000 av J.C. début de la culture néolithique du Jomon, marquée par un habitat sédentaire, la production de riches poteries décorées (les plus anciennes du monde d’ailleurs), de masques et de figurines. Contrairement aux autres civilisations néolithiques, les hommes du Jomon pratiquaient peu l’agriculture.

statue de l'époque Jomon

A partir de 400 avant J.C., avec l’arrivée de peuples venus du continent, fin du Jomon et début de la culture dite Yayoi, caractérisée par le développement de la riziculture, le travail des métaux… et toujours pas d’écriture. Conséquence : les premières sources écrites sur le Japon sont chinoises et datent du 3ème siècle après JC. Les Chinois sont alors assez sévères avec leurs voisins, les décrivant comme des barbares vivant en tribus, ignorant l’écriture et se tatouant tout le corps. Mais un autre texte chinois de cette époque atteste d’échanges entre le royaume chinois de Wei et le royaume japonais de la reine Himiko.

A partir de 300 ap JC, période dite Kofun, du nom des grands monuments funéraires construits pour abriter les dépouilles des grands chefs et qui témoignent qu’une société hiérarchisée dominée par des grands clans se met en place. Le plus grand des kofuns, édifié dans la région de Osaka au 4ème siècle témoigne de la puissance du clan de cette région qui unifie le Japon autour d’elle et fonde la première dynastie impériale en 587.

Le premier état unifié japonais (587-1192)

Les premiers empereurs du Japon mettent en place un état organisé sur le modèle du grand voisin chinois : constitution en dix-sept articles (604) faisant du bouddhisme et du confucianisme les éléments centraux de la culture politique, bouddhisme religion officielle, réforme de Taika (645-649) et code Taihoo (701) organisant les taxes et l’administration sur le modèle de la Chine, nouvelle capitale (Nara) fondée en 710 sur le modèle des capitales chinoises… Le but est bien sûr d’affirmer la puissance et l’identité japonaises : une des appellations pour désigner l’empereur du Japon (Tenno) s’inspire directement du titre de l’empereur chinois pour bien marquer l’égalité de statut et les chroniques du Kojiki (712) et du Nihon Shoki (720) fondent quant à elles une histoire mythologique officielle du pays.

le prince Shotoku, un des premiers empereurs du Japon

L’ère de Heian (794-1185) commence avec la fondation de la nouvelle capitale à Kyoto, toujours sur le modèle des capitales chinoises. Elle marque une sorte d’apogée culturelle du gouvernement impérial : création du système alphabétique des kanas affranchissant l’écriture des caractères uniquement chinois, rédaction du Dit du Genji, considéré comme un des premiers romans du monde et composition de l’hymne national du Japon (toujours en vigueur d’ailleurs). Mais à partir du 9ème siècle les choses se gâtent politiquement : la grande famille aristocratique des Fujiwara qui dirige le pays pendant les périodes de régence arrive à quasiment contrôler la cour impériale et surtout les grands seigneurs locaux accroissent progressivement leur pouvoir jusqu’à devenir quasi-indépendants du pouvoir central. Conséquences : rebellions et coups d’état en série. Le chef de la grande famille des Minamotos installée dans le Kanto (région de l’actuelle Tokyo) est nommé par l’empereur en 1192 shogun, terme signifiant littéralement Général en chef chargé de la pacification des barbares. C’est lui désormais qui dirige le pays.

Le Japon médiéval (1192-1600) : l’ère des shoguns et des samouraïs

Les shoguns Minamoto installent le siège de leur gouvernement à Kamakura, au sud de l’actuelle Tokyo. Leur pouvoir s’appuie sur une clientèle de grands seigneurs, eux-mêmes appuyés par la fidélité de seigneurs moins importants, ces derniers ayant eux-mêmes leur propre clientèle de fidèles … Bref une organisation féodale très proche de celle de l’Europe à la même époque (les guerriers samouraïs étant une sorte d’équivalent des chevaliers) …. et avec la même fragilité : succession des grandes familles shogunales rivales à Kamakura, pouvoir impérial restauré en 1333 et écarté 3 ans plus tard par l’installation d’un nouveau régime shogunal à Kyoto …

A partir de 1467, le Japon entre dans une anarchie politique généralisée : les shoguns perdent leur autorité devant les plus grands importants seigneurs, leurs vassaux directs qui eux-mêmes ne sont plus obéis de leurs propres vassaux …. les seigneurs locaux se livrent entre eux à des guerres sans fin et la désorganisation du pouvoir atteint un tel niveau que les communautés villageoises et les villes finissent par s’administrer elle-mêmes en quasi-indépendance.

MuromachiSamurai1538

Cette période de désordre prend fin au 16ème siècle avec les généraux Oda (1534-1582) et Toyotomi (1536-1598) qui arrivent chacun à réunifier provisoirement le pays sous leur autorité. Cette époque est aussi celle des premiers contacts avec l’Occident : arrivée des commerçants portugais amenant (entre autres) dans leurs bagages le christianisme et les armes à feu. Un ancien vassal de Toyotomi, Tokugawa, bat ses rivaux à la bataille de Sekigahara (1600) : devenu shogun, il est désormais le nouveau maître du pays.

L’époque de Edo (1600-1868)

Tokugawa installe le siège de son gouvernement à Edo (ancien nom de Tokyo) et installe solidement son autorité sur le pays en renforçant et structurant à son profit les institutions féodales : les daimyos (nom des plus importants seigneurs) organisés désormais en caste héréditaire doivent résider la moitié de l’année à Edo et y laisser leur famille l’autre moitié. Les guerriers samouraïs, quant à eux, deviennent aussi une caste héréditaire à qui le port du sabre est réservé. Tokugawa installe aussi une politique de fermeture du Japon : interdiction et pour les Japonais de quitter le pays et pour les étrangers d’y entrer (seuls quelques commerçants hollandais restent tolérés sur la minuscule île artificielle de Dejima au large de Nagasaki). Le christianisme est lui aussi persécuté.

paysage japonais à l'époque de Edo

Cette politique de fermeture fut maintenue par les shoguns descendants et successeurs de Tokugawa mais elle n’empêcha pas un important mouvement d’importation et de réutilisation des technologies occidentales : physique, chimie, médecine, chimie, mécanique… Ceci a pu contribuer à la nette croissance économique du Japon à cette époque : fondation d’un premier grand magasin de kimonos à Edo en 1673 et apparition des premières manufactures ouvrières dans la région de Osaka vers 1820. Ne rêvons pas : la majorité de la population profita très peu, voire pas du tout de cet essor économique et des famines continuèrent à frapper le monde paysan. La population de Edo, capitale de fait, augmenta jusqu’à atteindre le million d’habitant.

Au19ème siècle, la présence européenne et américaine de plus en plus importante en Asie-Pacifique aboutit au débarquement en 1853 d’une flotte militaire américaine en baie de Edo exigeant l’ouverture du Japon au commerce avec les États-Unis : s’ouvre alors la période du Bakumatsu (1853-1867), période de troubles politiques, économiques et sociaux suite à l’ouverture brutale du Japon au commerce avec les Occidentaux. La quasi-guerre civile qui en résulte fait qu’en 1867 le dernier shogun Tokugawa, discrédité, abandonne ses pouvoirs au profit de l’empereur. Les partisans du shogun sont définitivement vaincus au bout d’une guerre civile de plus d’un an (guerre de Boshin de 1868 à 1869).

L’ère Meiji (1868-1912) : modernisation accélérée et naissance d’une puissance

Avec le règne de l’empereur Mutsu-Hito commence l’ère dite Meiji (littéralement gouvernement éclairé). Le jeune empereur (15 ans en 1868), déménage sa capitale de Kyoto à Edo, rebaptisée Tokyo, et met en place une politique de modernisation accélérée inspirée des techniques occidentales : abolition des vieux ordres féodaux des samouraïs et des daimyos, adoption du calendrier occidental, mise en place de l’instruction obligatoire, d’un code civil, d’un système judiciaire …

Les nombreux ingénieurs et techniciens étrangers invités au Japon par le gouvernement aident à une industrialisation rapide du pays, laquelle permet la constitution d’une armée moderne à l’occidentale : après deux guerres contre la Chine (1894-1895) et contre la Russie (1904-1905), Taïwan, la Corée, l’île russe de Sakhaline sont annexées et le Nord-Est de la Chine transformé en protectorat japonais. La guerre contre la Russie au cours de laquelle le Japon a utilisé les derniers moyens militaires navals frappe l’opinion en Occident et contribue à alimenter le fantasme dit du Péril jaune.

images de la guerre russo-japonaise de 1904-1905

La constitution d’un régime démocratique ou au moins libéral à l’occidentale ne faisait pas partie au départ des objectifs de l’empereur. Il faut la pression du Mouvement pour la liberté et les droits du peuple (pétitions, manifestations) pour que soit promulguée la Constitution de 1889. Et encore s’inspire-t-elle beaucoup de la constitution de l’Empire allemand de l’époque : assemblée composée de deux chambres élues au suffrage restreint, gouvernement responsable uniquement devant l’empereur lequel en vertu du shintoïsme nouvelle religion d’état est considéré d’ascendance divine.

De l’ère Meiji à la folie militariste (1912-1945)

L’empereur Mutsu-Hito mort en 1912, son successeur engage deux ans après le Japon dans la Première Guerre mondiale aux côtés de la France et de la Grande-Bretagne contre l’Allemagne. But : s’emparer des possessions et colonies allemandes en Chine, Océanie et Pacifique. Chose faite en 1919, sans que le Japon ait pris une part très active aux combats. Les années 20 sont marquées par de grands progrès de la démocratie politique (suffrage universel masculin, fin de la politique d’assimilation culturelle forcée en Corée) qui s’arrêtent net dans les années 30. La grande crise économique de 1929 favorise en effet, au Japon comme dans malheureusement beaucoup d’autres pays, la montée d’un nationalisme agressif.

Les militaires japonais imposent l’idée que l’avenir et la prospérité du Japon passent par la conquête des pays voisins : dés 1931, l’armée japonaise envahit la Mandchourie chinoise (Nord-Est de la Chine) qui devient le royaume du Mandchoukouo, état fantoche dont le roi, dernier descendant de la famille impériale chinoise, est un pantin au main des Japonais.

En 1936 le Japon signe avec l’Allemagne nazie le Pacte antikominterm (Hitler voyait d’un bon œil les soldats japonais basés à la frontière soviétique) et lance l’année suivante une invasion générale de la Chine, extrêmement violente et marquée par de terribles massacres de civils. Mais l’armée chinoise n’est pas anéantie, le Japon n’arrive pas à conquérir l’ensemble du territoire chinois et le conflit s’enlise. La défaite militaire contre les Soviétiques (bataille de Halhin Gohl en 1939) amène l’état-major à reporter l’effort militaire plus au sud d’où l’invasion de l’Indochine française en août 1940. Le Japon rejoint officiellement l’alliance avec les grandes puissances fascistes par la constitution de l’Axe Tokyo-Rome-Berlin en septembre 1940.

Les États-Unis répondent à l’agressivité japonaise par un embargo pétrolier auquel le Japon répond par la destruction en décembre 1941 à Pearl Harbor de la flotte américaine du Pacifique, ce qui lui permet d’occuper dans les mois suivant Singapour, la Malaisie, la Birmanie, la Thaïlande, les Philippines, l’Indonésie et de pousser jusqu’en Océanie. Mais les États-Unis mettent vite en marche leur énorme potentiel industriel et militaire et, épaulés par les armées britanniques et néerlandaises, enrayent puis repoussent progressivement l’invasion japonaise à partir de juin 1942.

le champignon atomique de Nagasaki

De 1945 à 1945, les Américains et leurs alliés libèrent progressivement l’ensemble des territoires conquis. Début 1945, la situation du Japon est  désastreuse : Américains aux portes du Japon, principales villes du pays sous les bombardements, économie à bout de souffle, forces navales quasi-détruites … Mais les militaires continuent à s’acharner à résister (avions-suicides kamikazes) et il faut en août 1945 les bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki et la déclaration de guerre soviétique au Japon pour que l’empereur Hiro-Hito accepte la capitulation, signée en septembre 1945.

Massacres de masse des civils, esclavage sexuel, travail forcé et expériences médicales sur les prisonniers, utilisation d’armes chimiques,  …. Les atrocités japonaises des années 30 et 40 sont responsables de dizaines de millions de morts et ont dépassées dans certains domaines les atrocités allemandes en Europe.

Le Japon contemporain (depuis 1945)

De 1945 à 1952, les Américains occupent et administrent le Japon et imposent des changements radicaux : abandon des territoires conquis depuis l’époque Meiji, démilitarisation, démantèlement des grands groupes industriels, nouvelle Constitution installant le suffrage universel, dans laquelle l’empereur renonce à toutes ses prérogatives politiques et où le Japon renonce à désormais faire la guerre, jugement des criminels de guerre, nouveau code civil installant l’égalité hommes-femmes …

En même temps l’oncle Sam veut faire de l’ancien ennemi un allié face à l’URSS, la Chine et la Corée du Nord communistes (traité de San Francisco en 1951). Résultat : des criminels de guerre présumés échappent à la Justice, des litiges frontaliers avec certains pays voisins du Japon ne sont pas réglés et le traité de San Francisco limite les réparations vis-à-vis des pays victimes des agressions japonaises. Ceci a donné et donne encore l’impression dans certains pays d’Asie que le Japon ne regrettait pas son passé militariste.

le président américain Clinton et le premier ministre japonais Hashimoto en 1996

A partir des années 50, reconstruction rapide du pays et début de ce qu’on a parfois qualifié de miracle économique. Exactement comme pour l’Allemagne à la même époque, le savoir-faire industriel et technique qui allait depuis l’ère Meiji dans l’industrie militaire s’investit dorénavant dans l’industrie civile : électricité, électronique, automobile, robotique, chimie se (re)développent rapidement. Les Jeux olympiques d’été de Tokyo en 1964 symbolisent le retour à la prospérité, confirmée par le PIB japonais qui devient en 1968 le deuxième du monde.

Cette croissance économique soutenue se maintient dans les années 70 et 80 faisant du Japon en Occident un modèle de croissance dont s’inspirent (ou au moins prétendent) les méthodes de gestion d’entreprise (flux tendus, zéro défaut. ..). Fin de l’euphorie en 1991 avec une forte récession suivie depuis par des difficultés économiques persistantes : croissance faible, endettement public énorme, rétrogradation du PIB japonais de la deuxième à la troisième place mondiale en 2010 …. La précarisation croissante d’une grande partie de la population qui en résulte, la faible fécondité et le vieillissement font planer de grosses inquiétudes sur l’avenir. Paradoxalement, en même temps qu’il rétrograde économiquement, le Japon exerce une attractivité culturelle croissante dans le monde grâce à – entre autres – l’industrie du manga : aujourd’hui comme par le passé ce pays est en transformation.

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