Jusqu’à 323 000 morts et plus de deux millions de bâtiments détruits : les plus récentes évaluations de risques de séisme et tsunami du gouverment japonais dépassent toutes celles effectuées auparavant et remettent en cause nombre des dispositions existantes. C’est que la catastrophe du 11 mars 2011 a non seulement changé la situation sur le terrain mais aussi la façon de penser les désastres potentiels. De nombreuses applications sont proposées aux citoyens nippons pour les aider à se préparer à un hypothétique drame dont les simulations informatiques sont effrayantes.
Le 1er septembre de chaque année est « le jour des désastres », celui où les Japonais sont, plus que le reste du temps, invités à réfléchir et se préparer au pire, en se souvenant du 1er septembre 1923, jour où la région de Tokyo fut ravagée par le grand tremblement de terre du Kanto qui fit quelque 140 000 morts. Mais à l’avenir, un drame de plus grande ampleur encore pourrait survenir ont prévenu le 29 août les autorités : une série de secousses de magnitude 9 le long des côtes pacifique-sud du Japon, suivies d’un gigantesque tsunami.
Plus qu’un séisme géant en lui-même, ce sont les ravages humains de probables tsunamis subséquents que redoutent les Japonais. Le cas échéant, la série de vagues, qui déferleraient sur plusieurs centaines de kilomètres de côtes d’une demi-douzaine de préfectures, pourraient atteindre par endroit quelque 34 mètres et inonder non seulement une partie de la mégople tokyoîte mais aussi le grand centre industriel qu’est Nagoya et la ville d’Osaka, ainsi que des centrales nucléaires. Le tsunami serait le cas échéant responsable de 70 % des 323 000 décès alors redoutés.
De fait, le plus important, selon les experts, est de concevoir des sites de refuge auxquels ne parviennent pas les vagues et surtout d’informer la population de leur existence et de la nécessité de s’y rendre en cas d’alerte. « Nous devons nous préparer en estimant qu’un tel désastre peut survenir demain », a déclaré lors d’une conférence de presse le ministre chargé de la prévention des catastrophes.
Après la diffusion de ces nouvelles sombres simulations informatiques, diverses municipalités ont profité du choc créé dans l’opinion via les médias (qui en rajoutent volontairement dans l’horreur) pour multiplier les exercices.
Ainsi, à Osaka le 5 septembre, les trois principaux opérateurs de télécommunications mobiles ont-ils relayé auprès de leurs abonnés une alerte lancée par les autorités, en employant le système qui permettrait d’avertir d’un danger par une alarme sonore tous les possesseurs de mobiles, y compris quand l’appareil est en mode vibreur. Puisqu’il s’agissait d’un entraînement, le message était ainsi rédigé: « exercice, exercice: nous débutons un exercice pour les 8,80 millions d’habitants de la préfecture d’Osaka. Imaginez ce qu’il se passerait si survenait réellement un séisme ».
Las, selon les articles de presse, tous ceux qui devaient recevoir ce message n’en ont pas forcément vu la couleur et le site de la préfecture a été saturé une bonne partie de la matinée. La principale raison de la non-réception du message d’alerte était en fait la non-compatibilité de certains mobiles, et non des moins vendus, puisque l’iPhone d’Apple, que proposent Softbank et KDDI (service Au), ne peut recevoir ces alertes géolocalisées reposant sur une technologie nippone qu’ignore ledit iPhone, modèle international s’il en est.
Le gouvernement japonais a pour sa part publié les rapports sur ce sujet sur un site internet dédié et diffusé des messages via un compte Twitter spécial d’informations sur les désastres du bureau du Premier ministre, disponible en japonais et en anglais. Dommage que les documents en questions fassent des centaines de pages, un volume plutôt dissuasif pour les non-spécialistes.
Depuis le drame du 11 mars 2011, il y tout juste un an et demi, la plupart des autorités locales nippones ont aussi ouvert un compte Twitter et espèrent qu’il leur sera de grand secours en cas de catastrophe. De leurs côtés, de nombreux acteurs privés ont développé de nouvelles applications comportant dans leur titre le terme « bôsai » (prévention des désastres).
Yahoo Japan ! propose ainsi depuis le début du mois « bôsai sokuho » (avertissement de prévention des désastres) pour iPhone d’Apple et smartphones sous Androïd. Cette application donne la possibilité à l’utilisateur de programmer plusieurs adresses pour lesquelles il souhaite recevoir des alertes, lesquelles ne se limitent pas aux séismes et tsunamis mais englobent aussi les risques de typhon, de tornade, d’autres fortes précipitations (fréquentes et parfois meurtrières) ou autres émises par l’agence. Elle propose aussi des alertes en cas de niveau élevé de radioactivité.
Une autre application, « hinansho guide », dresse la liste des centres de refuge dans tout le pays, permettant à l’utilisateur de savoir en un clic où se trouvent les plus proches du lieu où il se situe, grâce à la localisation GPS. Le tout est affiché sur une carte interactive.
Plus perfectionnée encore est « AR Hasard Scope » qui affiche aussi les centres de refuge sur une carte, en complétant ces données par des informations directement superposée sur les bâtiments filmés avec la caméra du smartphone. Attention, préviennent toutefois les concepteurs, « cette application n’est pas faite pour être utilisée lors des désastres, mais comme outil d’exercice préventif ». Ces trois applications sont gratuites.
Au rayon logiciels payants, on trouve la version électronique d’un guide pour rentrer chez soi à pied en cas de catastrophe, « saigai toki kitaku shien mappu », une application qui, pour 4,5 euros, vous accompagne à pied jusqu’à votre logis en vous faisant emprunter des chemins dont vous ignorez peut-être l’existence mais qui s’avèrent salvateurs, avec indication au passage des points d’eau, des coins pipi, des centres de refuge et des lieux d’aide au retour tels que les konbini (supérettes multiservices ouvertes 24H/24). La version papier de ce même guide s’est écoulée au Japon à plus d’un million d’exemplaires.
Il existe aussi des applications régionales censées être encore plus précises pour les résidents de tel ou tel lieu, dont, pour la populeuse capitale, « Carte du degré de dangerositéde Tokyo », soi-disant conçue avec la collaboration des pompiers tokyoïtes et du bureau de l’équipement de Tokyo. Cette application à 5 euros permet de connaître immédiatement le dégré de dangerosité du lieu de Tokyo dans lequel on se trouve, par exemple la vulnérabilité vis-à-vis des tsunamis. Elle offre aussi un manuel de survie et un service de messages d’urgence que l’utilisateur peut adresser en cas de danger à une liste de contacts pré-enregistrés. Le message en question comporte alors automatiquement les coordonnées géographiques de l’utilisateur.
Attire enfin la curiosité le livre électronique « Oojishin ha kanarazu kuru » (le méga-séisme va assurément se produire), du professeur Masaaki Kimura, une application vendue 1 000 yens (10 euros), mais parfois en promotion à 85 yens. Selon les informations de présentation, le professeur Kimura aurait sinon prédit du moins pressenti la survenue de plusieurs grands tremblements de terre et éruptions volcaniques recensés au Japon ces trois dernières décennies. Il explique cependant pourquoi il n’a pas été en mesure de mettre en garde sur celui du 11 mars 2011, que personne n’a d’ailleurs vu venir, ce qui a poussé plusieurs grands sismologues à demander publiquement pardon.
Source : Clubic