Madame Chrysanthème de Pierre Loti : vision du Japon au XIXème siècle

YvesChrysanthemePierreLoti1885

Pour mieux connaître une époque passée, les œuvres littéraires écrites pendant cette période peuvent être une bonne source d’informations car elles sont autant de témoignages directs de contemporains : ainsi le roman Madame Chrysanthème écrit par Pierre Loti en 1887 est un bon exemple de la vision du Japon que pouvaient avoir les Européens dans la seconde moitié du XIXème siècle.

L’histoire est celle d’un officier français de marine qui séjourne dans le port de Nagasaki durant quelques semaines pendant l’été de 1885. Ce court séjour lui donne cependant l’occasion de se marier avec une jeune japonaise surnommée madame Chrysanthème. Mariage d’arrangement qui ne doit durer que le temps des quelques semaines du séjour de l’étranger : la jeune fille pourra par la suite se marier avec un Japonais. Ce roman fut un énorme succès d’édition qui fut par la suite adapté en opéra en 1893, en ballet en 1944 et inspira même le célèbre opéra de Puccini, Madame Butterfly.

Madame Chrysanthème est pour l’essentiel autobiographique : les obligations de services de Pierre Loti en tant qu’officier de marine le firent effectivement séjourner à Nagasaki du 9 juillet au 12 août 1885, court séjour qui lui suffit cependant pour connaître l’expérience du mariage arrangé décrite dans le roman. On a donc affaire au témoignage direct d’un Européen qui a séjourné au Japon et qui a été en contact direct avec ses habitants … et Pierre Loti a eu du Japon une impression très mitigée, pour ne pas dire négative : « Moi qui ai conservé tant de fleurs fanées, tombées en poussière, que j’avais prises, çà et là, au moment des départs, dans différents lieux du monde ; moi qui en ai tant conservé que cela tourne à l’herbier, à la collection incohérente et ridicule,—j’ai beau faire, non, je ne tiens point à ces lotus, bien qu’ils soient les derniers souvenirs vivants de mon été à Nagasaki. »

L’histoire racontée dans Madame Chrysanthème est en effet d’abord celle de la déception de Pierre Loti face à la culture japonaise : malgré les efforts qu’il affirme avoir fait pour connaître celle culture si différente de la sienne, pour apprendre la langue, pour aller à la rencontre de Japonais … Rien n’y fait, le charme ne prend pas et c’est même un sentiment de dégoût qui donne parfois l’impression de dominer. On a pu faire des reproches très sévères aux impressions très (trop?) négatives de Pierre Loti : incompréhension vis-à-vis d’une culture qu’il a vu trop peu de temps pour la connaître, jugement faussé par ses problèmes de vie personnelle (le premier enfant de Pierre Loti a été mis au monde mort-né l’année de l’écriture de Madame Chrysanthème) … Mais ce roman reste un bon témoignage historique sur la vision que pouvaient avoir les Européens du Japon à cette époque et pose la question plus générale de l’incompréhension et du choc culturel.

Pierre Loti révisa par la suite son jugement initial si sévère sur le Japon. Il revisita ce pays notamment à trois reprises en 1900 et 1901 et ces séjours lui inspirèrent l’écriture en 1905 de La Troisième Jeunesse de Madame Prune où il reconnut avoir mal compris certains aspects de la culture japonaise décrits dans Madame Chrysanthème.

Les œuvres de Pierre Loti étant passées dans le domaine public, vous n’êtes pas obligés de mettre la main à la poche pour découvrir ce roman. Le site littératureaudio.com en propose notamment une version audio (donneur de voix : René Depasse).

NB : version audio de Madame Chrysanthème sous licence Creative Commons 2.0 (mention de l’auteur, pas d’utilisation commerciale, mêmes conditions de partage si œuvre dérivée).

 

Articles relatifs :

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *