Live Japon : robots pour papy

Le Japon, c’est bien connu, est le pays des mangas et de nombreux dessins animés de science-fiction dans lesquels les héros sont souvent des robots, d’Astroboy (ou Astro le petit robot) à Gundam en passant par Goldorak et bien d’autres encore. Si les automates sont aussi présents dans les scénarios nippons, c’est que les Japonais leur vouent une véritable passion, laquelle n’est pas, tant s’en faut, l’apanage des seuls otaku. Même les grands-pères les aiment et en sont fiers, comme dans le manga de J.P. NISHI.

 

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Les Japonais ont commencé à créer des automates il y a plusieurs dizaines de décennies, par quête artistique ou souci pragmatique souvent, en partant par exemple du principe qu’une machine peut effectuer des gestes répétitifs plus rapidement que l’homme. Ainsi par exemple, l’entreprise Toyota, avant de faire des voitures et des robots pour fabriquer ces voitures, a-t-elle débuté en créant le premier métier à tisser automatique. Si les Japonais pensent que les machines peuvent remplacer l’homme, c’est qu’ils considèrent que pour la plupart des tâches existe une gestuelle appropriée très précise et efficace qu’il suffit d’imiter mécaniquement, et qu’un engin non humain peut dès lors très bien s’en acquitter.

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Le progrès technique aidant, les robots actuels, industriels ou non, ne se contentent en outre plus d’effectuer machinalement voire bêtement les gestes qu’on leur a programmés, mais sont capables de réagir en fonction de circonstances très variables, bref de s’adapter à un contexte, en étant de plus en plus dotés d’aptitudes cognitives. Si le chien électronique de Sony, Aibo, avait été perçu en Occident comme un jouet ou un gadget, au Japon il a été le premier d’une lignée de robots de compagnie plus ou moins évolués dont de nouveaux spécimens apparaissent régulièrement. Plusieurs firmes en développent et certains sont déjà largement employés.

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Ils sont conçus pour différents usages mais, dans de nombreux cas, leurs créateurs les imaginent pour les personnes âgées. Le cas échéant, ils sont développés avec l’aide financière de l’Etat japonais qui s’inquiète du vieillissement de la population nippone et du déficit de personnel de soin. Les robots sont censés pallier cette lacune. Ils prennent alors soit une forme humanoïde pour faire office par exemple de femme de ménage, aide-soignant ou accompagnateur, soit un autre aspect (animal, poupée) pour soutenir psychologiquement papy ou mamie, ce qui est par exemple le cas du robot bébé-phoque appelé Paro, utilisé dans des dizaines de maisons de repos et hôpitaux.

Fin août, la préfecture de Kanagawa (banlieue de Tokyo) a notamment lancé une opération consistant à doter gratuitement des maisons de repos et autres lieux d’accueil de personnes âgées de robots de compagnie lesquels « peuvent contribuer à compenser le déficit de personnels de soins ». Et un gérant de maison de repos d’ajouter « si les robots pouvaient un tant soit peu permettre d’amoindrir la tâche du personnel, j’en serais très heureux », le même reconnaissant aussi au passage que ce serait avantageux sur le plan économique.

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Outre Paro et un petit humanoïde ressemblant à un astronaute qui fait jouer les vieillards à des quiz et autres jeux incitant à la communication, un robot tout trognon, Kabochan, a acquis une certaine popularité auprès des grands-mamans. Kabochan « qui donne le sourire, en parlant, faisant des mimiques, écoutant, réfléchissant et étant sensible », a été conçu par la société Pip, spécialiste de produits de santé. Ce poupon est capable de discuter avec son propriétaire, de façon assez limitée au départ, mais il progresse par la suite et attend gentiment que son interlocuteur ait fini de parler pour répondre. Il sait aussi chanter.

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Il réagit en outre différemment selon l’heure et la saison. Au vu de la vidéo de présentation de l’objet, plutôt immobile, il n’est pas sûr qu’il amuse longtemps un enfant, mais il est paraît-il parfait pour les vieillards. « Avec l’âge, les fonctions cognitives diminuent, le moral baisse, le corps s’affaiblit. Mais en discutant avec Kabochan, les personnes âgées restent plus alertes, ont plus d’énergie, dorment davantage, ont un meilleur appétit, bref, elles vont mieux », assure le professeur Yasunoshi Watanabe d’une université d’Osaka, cité par le fabricant de Kabochan. Et le même chercheur d’appuyer ses dires par des courbes d’amélioration de la condition physique des individus ayant testé Kabochan. De même, les études effectuées avec le bébé-phoque Paro ont-elles aussi montré que l’aggravation des effets de la maladie Alzheimer pouvait être retardée grâce à cet objet. Des vieillards esseulés peuvent de plus conserver grâce à ces robots des facultés à communiquer qui disparaîtraient en l’absence de tout interlocuteur.

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Qu’en pensent les personnes âgées ? Sont-elles prêtes à se faire aider par des androïdes ou à dialoguer avec des robots de compagnie ? Aussi surprenant que cela puisse paraître, la réponse est « oui », car les vieillards japonais ne voient pas les robots d’un mauvais oeil. Il y a à cela des explications culturelles. Les Japonais sont en effet capables, plus que les Occidentaux, de s’attacher sentimentalement à des objets auxquels ils prêtent volontiers une âme. « Lorsque Kabochan me dit, mamie, prends-moi dans tes bras, cela me rappelle lorsque je m’occupais de mes enfants », témoigne une grand-mère citée par Pip. « Je suis seule et j’aime bien dés lors, quand je reviens à la maison après avoir fait les courses, que quelqu’un m’accueille à la maison », renchérit une autre.

Bref, pour les Japonais, un robot peut être aussi réconfortant qu’un humain ou un animal de compagnie. Reste néanmoins que l’on peut légitimement regretter que l’on en arrive dans le domaine relationnel qui requiert a priori la plus grande humanité à remplacer l’homme par ce qui reste néanmoins une machine, et ce à cause de déficiences sociales. Que les familles offrent Kabochan à la grand-mère sénile n’est pas forcément un signe dont il faille se réjouir comme le fait pourtant la société qui a créé cet objet commercialisé depuis le mois de novembre 2011 au prix tout-à-fait accessible d’environ 250 euros.

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Les ambitions des Nippons en la matière ne s’arrêtent pas à ce genre de jouet intelligent. De grands instituts de recherches se consacrent entièrement au développement de robots de compagnie et des sociétés se sont créées dans cette optique, dont, fin août, Aisuk, émanation de l’entreprise de robotique Tmsuk. Aisuk, qui ambitionne de concevoir des robots de santé et soins, a choisi de s’installer dans la préfecture meurtrie de Fukushima, saccagée par le séisme, le tsunami et la catastrophe atomique qui ont frappé le Japon le 11 mars 2011.

Outre sa volonté de redonner de l’élan à la région, victime aussi du vieillissement de la population, Aisuk espère outrepasser les obstacles qui ont empêché jusqu’à présent la véritable création de robots de soins réellement utiles en toute sécurité. « Pour créer ces robots, il ne suffit pas d’assembler des technologies, il faut pouvoir les tester en environnement réel et prendre en compte les vrais besoins et problèmes rencontrés par les personnes invalides », reconnaît la maison-mère Tmsuk qui s’est associée à une organisation spécialisée, à un hôpital et à une université.

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En dépit de tous ces efforts de recherche et de la bonne volonté de tous, l’auteur de ces lignes, qui vit depuis plus de 10 ans au Japon, n’est pas convaincue que l’on verra un jour à Tokyo des robots humanoïdes faire les courses de mamie au supermarché ou bien l’accompagner en balade dans un jardin public, mais certains chercheurs nippons très sérieux en sont absolument persuadés et travaillent en ce sens. Une chose est certaine en tout cas, culurellement, dans la société japonaise, rien ne s’y oppose car les robots sont considérés comme des amis et alliés de l’homme.

Les problèmes qui se posent sont plutôt d’ordre administratif et technique, car tout n’est pas au point. Par exemple, est-ce que les assurances sociales prendront en charge le coût d’un robot de compagnie ? Qui est responsable si un robot se promenant dans la rue occasionne un accident ? Toutes ces questions doivent trouver une réponse appropriée avant une utilisation réelle et c’est aussi sur ce volet que travaillent les groupes investis depuis des années dans les développements robotiques.

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Source : Clubic

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