Les conflits territoriaux entre le Japon et ses voisins

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Les conflits territoriaux entre le Japon et ses voisins

Publié par Michix le 21 avril 2012 Catégorie : Le Japon contemporain Aucun commentaire

Si vous suivez les actualités concernant le Japon, vous voyez peut-être parfois mention de conflits diplomatiques concernant des îles revendiquées par l’un ou l’autre pays. Ces îles sont en effet un sujet de discorde régulier empoisonnant les relations entre le Japon et ses voisins.

Les îles Kouriles

Les îles Kouriles sont un archipel s’étendant du Nord au Sud entre l’île japonaise de Hokkaido et la péninsule russe du Kamtchatka. L’occupation humaine connue la plus ancienne est celle des Aïnous. C’est à partir de l’époque de Edo, plus exactement au XVIIème siècle, que le gouvernement japonais pris le contrôle des Kouriles du sud. Les conflits territoriaux avec l’Empire russe amenèrent à la signature de deux traités (Shimoda en 1855 et Saint-Petersbourg en 1875) reconnaissant la souveraineté du Japon sur une partie des îles Kouriles.

Les choses en restèrent là jusqu’au 8 août 1945,date à laquelle  l’Union soviétique déclara la guerre au Japon et occupa l’ensemble des Kouriles. Comme beaucoup d’autres territoires conquis en Europe à la même époque par les armées soviétiques (Carélie finlandaise, ouest de la Pologne, province allemande de Prusse-Orientale, province roumaine de Moldavie), les îles Kouriles furent purement et simplement annexées à l’Union soviétique. Les Japonais vivant dans ces îles qui ne se réfugièrent pas à Hokkaïdo furent déportés en Union soviétique.

Le traité de paix de San Francisco signé en 1951 entre le Japon et les Etats-Unis confirma que le Japon renonçait à sa souveraineté sur toutes les îles Kouriles. Le gouvernement japonais soutint et a toujours soutenu depuis que les quatre îles les plus méridionales (Etorofu, Kounachiri, Shokotan et Habomai) ne font pas partie des îles Kouriles mais sont des extensions de l’île de Hokkaïdo. Autre argument avancé par le Japon : l’arbitraire de l’annexion soviétique qui ne tenait absolument pas compte de la volonté des populations.

Depuis, cette question des îles Kouriles empêche la signature d’un traité de paix entre le Japon et la Russie. En 2009, le parlement japonais a adopté une loi affirmant la souveraineté du Japon sur les quatre îles. En 2010, la visite du président russe dans les Kouriles avait amené une forte tension diplomatique entre le Japon et la Russie, les Etats-Unis s’en mêlant et soutenant le Japon.

Les îles Tokdo/Takeshima

localisation des îles Tokdo

Autant le conflit entre le Japon et la Russie sur les îles Kouriles est assez facile à comprendre (territoire administré par le Japon et habité par des Japonais qui fut annexé à l’Union soviétique), autant le conflit entre le Japon et la Corée du Sud sur la questions des îles Tokdo (appelées Takeshima en japonais) est un peu plus compliqué.

NB : la carte que vous pouvez voir ci-dessus localise ces rochers sous le nom de Liancourt car des explorateurs français qui y débarquèrent en 1859 leur donnèrent ce nom.
Les îles Tokdo (appellation coréenne)/Takeshima (appellation japonaise), situées entre le Japon et la Corée du Sud, sont constituées essentiellement de deux îlots rochers distants de 150 mètres. Ils n’ont jamais été habités jusqu’à une époque très récente à cause de conditions très inhospitalières.

Les premières mentions qu’on trouve de ces îles sont des sources coréennes datant d’avant l’ère chrétienne. Elles eurent l’appellation coréenne de Usan jusqu’au début du XXème siècle.

Suite à la guerre sino-japonaise de 1894-1895 aboutissant à l’occupation du Japon par la Corée (voir l’histoire du Japon ), ces îles furent annexées par le Japon et rebaptisées Takeshima, préfiguration de l’annexion complète de la Corée par le Japon en 1910.

Le traité de paix de San Francisco de 1951 stipulait que le Japon renonçait à tous les territoires qu’il avait annexé, à l’exception des îles Tokdo/Takeshima  qui n’étaient pas mentionnées alors qu’elles l’avaient été dans les ébauches du traité.  Origine probable : la Guerre Froide et la poussée des communistes en Corée et en Chine faisaient craindre au gouvernement américain que le Corée du Sud tombe sous tutelle communiste. Le Japon était vu dans cette optique comme une base avant qu’il fallait renforcer d’où le maintien du territoire potentiellement stratégique des îles Todko/Takeshima.
La Corée du Sud n’a jamais accepté le maintien de cette annexion d’où la proclamation de la souveraineté sud-coréenne sur ces îles en 1952 et l’installation d’un contingent permanent de garde-côtes coréens en 1954 après des affrontements armés avec les Japonais.
Ces dernières années ont été marquées par une remontée des tensions diplomatiques nippo-coréennes sur la question de ces îles : affirmation en 1996 par le gouvernement japonais de la souveraineté japonaise, position relayée par des manuels scolaires publiés à partir des années 2000 …. Les Etats-Unis s’en sont mêlés pour reconnaître en 2008 la souveraineté sud-coréenne sur les îles Tokdo/Takeshima.
Comme rien n’est simple, la Corée du Nord revendique elle aussi ces territoires.

Les îles Diaoyutai/Senkaku

carte des îles Senkaku

Comme vous pouvez le voir sur la carte ci-dessus, ces îles sont situées à l’extrémité Sud-Ouest du Japon, à proximité de l’île japonaise de Yonaguni et de Taïwan. Constituées de 5 petites îles, cet archipel est, comme les îles Tokdo/Takeshima, inhabité à cause de conditions très inhospitalières.

Les premières mentions qu’on trouve de ces îles viennent de Chine. Suite à la guerre sino-japonaise de 1894-1895 aboutissant à l’occupation et l’annexion par le Japon de nombreux territoires chinois dont l’île de Taïwan (voir l’histoire du Japon), cet archipel passa lui aussi sous le contrôle du Japon. Les traités de paix de la fin de la Seconde Guerre Mondiale ne réglèrent pas le statut de ces îles qui furent, comme l’archipel de Okinawa, occupées et administrées par les Etats-Unis jusqu’en 1972. Après cette date, elles repassèrent comme l’archipel de Okinawa sous administration japonaise.

Depuis la souveraineté japonaise sur ces îles est contestée et par la Chine continentale et par la république de Taïwan, chacun de ces états les revendiquant pour son compte. C’est toutefois avec la Chine continentale que la tension est la plus forte, s’exprimant régulièrement par des incidents maritimes. Des manuels scolaires japonais récents montrent d’ailleurs ces îles comme japonaises. En avril 2012, le gouverneur de Tokyo, Shintao Ishihara, a même affirmé que sa ville était prêt à racheter ces îles, ce qui fait que ce conflit territorial n’est pas prêt de se calmer.

Origines et enjeux de ces conflits

Ces brefs rappels historiques permettent de voir que ces conflits territoriaux ont d’abord pour origine les guerres du XIXème et du XXème siècles dont certains points furent mal réglés : îles Kouriles annexées, comme beaucoup d’autres territoires, par l’Union soviétique après la Seconde Guerre Mondiale, îles Tokdo/Takeshima et Diaoyutai/Senkaku occupées et annexées par le Japon au XIXème siècle et que le gouvernement américain choisit de laisser sous administration japonaise après la Seconde Guerre Mondiale suite aux enjeux géopolitiques de la Guerre Froide.
La montée à partir des années 2000 d’un courant nationaliste au Japon essayant  de minimiser les crimes japonais de la Seconde Guerre Mondiale a fait monter la colère dans les pays voisins du Japon, augmentant la tension sur la question de ces territoires contestés.

Des facteurs économiques contribuent à augmenter l’importance de la possession de ces îles. Ainsi, les fonds marins autour des îles Diaoyutai/Senkaku recèleraient d’importants gisements d’hydrocarbures. De même, des experts coréens et japonais soupçonnent la présence d’hydrate de méthane aux alentours des îles Tokdo/Takeshima, une énergie fossile qui peut remplacer le pétrole. Les îles Kouriles, même si elles ne recèlent apparemment pas ce genre de gisements, ont une grande importance stratégique pour la Russie car elles lui permettent de contrôler tous les points d’accès à la mer d’Okhotsk.

Les états convoitent aussi les eaux poissonneuses que recèlent ces territoires, convoitises attisées depuis l’entrée en vigueur en 1994 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Avec cette convention, les états peuvent en effet établir une zone économique exclusive (ZEE) dans une limite de 200 000 miles marins depuis leurs côtes dans laquelle ils ont le contrôle des activités de pêche. Contrôler même des îles inhospitalières et de petite taille permet ainsi d’augmenter très largement les espaces de pêche.

Ces conflits territoriaux empoisonnent régulièrement les relations diplomatiques entre le Japon et ses voisin et sont instrumentalisés par les groupes nationalistes. Il ne faut cependant pas croire qu’ils signifient une nouvelle guerre froide. Ainsi les échanges économiques, financiers, les déplacements de personnes (touristiques, professionnels …) entre le Japon, la Corée du Sud et Taïwan sont importants et réguliers. Taïwan et Hong Kong ont d’ailleurs fait partie des pays qui ont le plus envoyé de dons au Japon après la catastrophe de mars 2011. Ce n’était cependant pas le cas de la Corée du Sud, pays où le ressentiment antijaponais dans l’opinion est important.

Avant de tomber dans un a priori culturel qui pourrait amener à penser « Qu’est-ce que ces gens d’Asie sont barbares à se disputer comme au XIXème siècle pour des bouts de caillou, contrairement à nous Occidentaux qui construisons l’Union européenne« , rappelons-nous que les conflits de territoires existent aussi en Europe : ville de Bruxelles à majorité francophone revendiquée par les nationalistes flamands, question des minorités hongroises en Slovaquie et Roumanie empoisonnant les relations de la Hongrie avec ses voisins, horreurs récentes de la guerre en ex-Yougoslavie …

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