Les Japonais des fourmis ?

Gare_Shinagawa

C’est peut-être le cliché qui a été est le plus répandu sur les Japonais : celui de véritables bourreaux de travail ne prenant jamais de vacances, faisant toujours des heures supplémentaires, entièrement dévoués à leur entreprise au point d’y passer toute leur vie professionnelle et de ne jamais faire grève.

Ce cliché inlassablement répété dans les médias est en grande partie faux : en 2007 le Japon faisait effectivement partie des pays de l’OCDE où on travaille le plus (1784 heures de travail/an) mais les Japonais travaillaient à peine plus que les Espagnols (1775 heures de travail/an), autant que les Américains (1785 heures de travail/an) et moins que les Sud-Coréens (2165 heures de travail/an). Ces statistiques sont bien sûr des moyennes : au Japon, comme dans tous les pays, la durée du travail varie énormément selon les entreprises et les secteurs d’activité. L’image des salariés de bureau japonais faisant tous les jours des heures supplémentaires concerne certains secteurs d’activité : dans d’autres, les heures supplémentaires sont quasi-inconnues.

Le cliché des Japonais entièrement dévoués à leur entreprise et y passant l’intégralité de leur vie professionnelle a pu être un peu vrai jusqu’au années 90 mais il n’a concerné que le personnel des grandes entreprises soit au grand maximum 25% des salariés. La majorité des salariés japonais ont toujours travaillé dans des petites entreprises qui offrent peu voire pas de plans de carrière. Depuis les années 90 la montée du chômage et des contrats précaires a remis en cause l’emploi à vie jusque dans les grandes entreprises.

Même si les congés payés annuels sont moins longs qu’en France ils existent : les Japonais ont en moyenne 1 à 3 semaines de congés payés par an sans compter une quinzaine de jours fériés. La loi favorise la prise de jours fériés : ainsi quand un jour férié tombe un dimanche c’est le jour suivant qui est férié. De même un jour entre deux jours fériés est lui aussi férié. La période dite de la Golden Week (du 29 avril au 5 mai) est une semaine de concentration de jours fériés pendant laquelle les Japonais prennent beaucoup de vacances et où les entreprises tournent au ralenti.

En bonnes fourmis, les Japonais ne feraient jamais grève ou alors  le feraient sans arrêter le travail mais en portant un brassard pour exprimer leur mécontentement (la fameuse « grève à la japonaise »). Les grèves au Japon sont bien moins nombreuses qu’en France mais elles existent : les statistiques d’Acrimed publiées en 2006 sur les mouvements de grève dans les pays développés depuis les années 50 montrent que des années 50 aux années 80 le Japon a fait partie des pays touchés par les grèves même si il était plutôt en queue de peloton et que depuis les années 80 l’ampleur des grèves baisse énormément.
Cette baisse peut s’expliquer par les difficultés économiques qui ont débutées au début des années 90 et marquées par la montée du chômage et des emplois précaires. Elle le concerne d’ailleurs pas que le Japon : dans la plupart des pays de l’OCDE les grèves ont énormément diminué depuis les années 80.

En bonnes fourmis entièrement dévouées à leurs patrons, les salariés japonais ne se regrouperaient pas en syndicats. Encore un cliché : des syndicats de salariés existent au Japon et ce comme dans tous les pays de l’OCDE. Le principal syndicat japonais, le Rengoo (abréviation pour confédération des syndicats ouvriers du Japon) comptait en 2009 6,5 millions d’adhérents. Les taux de syndicalisation des pays de l’OCDE montrent qu’en 2010 le Japon avait un taux de salariés syndiqué de 18,4% soit à peine inférieur à celui de l’Allemagne (18,6%).

Sources :

Articles relatifs :

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *