Il a 101 ans, il est connu à travers tout le Japon, certains de ses congénères le détestent, d’autres sont amis avec lui. Il s’appelle Shigeaki Hinohara, a créé une association de seniors et, ces derniers temps, a trouvé un nouveau moyen de recruter des compères : Facebook. Ce n’est pas le seul papy à être une vedette du Net. Au Japon, où près d’un quart de la population a plus de 65 ans, où les vieillards esseulés sont nombreux, les réseaux sociaux en ligne (SNS) sont considérés par les autorités et une partie des individus concernés comme un moyen de prolonger la vie en société des personnes âgées.
« Shinrojin no Kai (Assemblée de personnes âgées) compte actuellement 12 000 membres, mais je veux la faire encore grossir. Pour cela ma stratégie passe par Facebook », explique Shigeaki Hinohara, médecin de métier très médiatisé, qui a fondé en ligne un dérivé de son association sous le label « Smart Senior ». Tous les matins, bon pied bon oeil, il s’astreint donc à publier un billet à connotation philosophique sur la page Facebook qu’il a créée, et tous les jours 1 000 à plus de 2 500 personnes gratifient sa prose débordant d’optimisme d’un clic sur le « ii ne boton » (touche « j’aime »), ou bien postent des commentaires louangeurs.
Un autre papy nippon, Kasai-san, de la préfecture de Nagano, a quant à lui bien amusé les internautes sur YouTube. Particularité de cet ancien agriculteur: il s’est soudainement mis à composer de la musique techno. Le déclic : un synthétiseur offert par un ami de la famille.
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Isolé dans sa campagne, il se dandine devant son clavier, casque collé sur une oreille, table de mixage à portée de main. « J’ai toujours eu de la musique dans la tête, mais je ne savais pas que c’était de la techno », expliquait-il dans le reportage qui fit jaser sur la toile. Il a même réalisé un CD qui a paraît-il rencontrer un écho non seulement au Japon mais aussi à l’étranger. Dans sa province, il est devenu une star donnant des concerts de ci-delà.
Celle qui gazouille sur Twitter sous le pseudonyme @aoikesi, Naoko Takamizawa, a 83 ans. Elle se targue de compter plus de 7 000 abonnés à ses tweets poétiques, évoquant son expérience de la guerre ou qui portent sur son quotidien, la cuisine qu’elle fait, ce qu’elle mange, les expositions qu’elle voit, ses diverses sorties. C’est son fils qui l’a incitée à ouvrir un compte Twitter et le lui a configuré, de même que la tablette iPad dont elle se sert. « Pour nous, les personnes âgées, Twitter est un outil très pratique qui nous permet de communiquer sans bouger », souligne-t-elle. Encore faut-il savoir à quoi ça sert !
Morale de l’histoire, pour que Facebook, Twitter, Mixi, Line et d’autres moyens de communication en ligne permettent effectivement d’améliorer la vie des personnes âgées, il faut que ces dernières ressentent l’envie de s’en servir: pour cela, il faut qu’elles comprennent comment les utiliser, ce qui suppose qu’on le leur explique en leur montrant. Il faut aussi qu’elles aient des raisons de les employer, autrement dit qu’elles puissent effectivement tisser un réseau de relations en ligne, ce qui suppose souvent qu’elles aient de la famille et des amis et le désir de communiquer avec eux avant d’en élargir le cercle.
Familiariser les personnes âgées avec l’informatique, c’est le but de « Compyuta obaachan » (traduction officielle en français: « association des grands-mères pour la communication informatique », www.jijibaba.com). Et ce regroupement national de volontaires, créé en 1997, d’expliquer: « nous avons pour but d’offrir à des personnes âgées une occasion d’apprendre l’informatique avec laquelle elles peuvent mener une vie riche et heureuse et rester en contact avec la société actuelle. Notre appellation comporte le mot « obaachan » qui signifie grand-mère, mais nous acceptons aussi des « ojiichan » (grands-pères) ».
La femme-pilier de cette organisation, Kayoko Ogawa, 82 ans et une pêche d’enfer, a même publié cette année un ouvrage pour ses congénères intitulé « Débuter avec un iPad ». Cette dynamique octogénaire à qui on donnerait volontiers vingt ans de moins est devenue la figure de proue des manies dans le coup, soulignant au passage que l’usage des technologies informatiques n’est pas un luxe mais de plus en plus une nécessité pour ne pas être marginalisé, y compris à un âge avancé. De surcroît, au Japon, pays de catastrophes naturelles à répétition, le recours aux moyens de communication et information en ligne peut s’avérer vital pour les individus peu valides et isolés, ce qui rend plus impérieux encore la maîtrise de ces outils.
Source : Clubic