La rubrique hebdomadaire Live Japon du site Clubic est consacrée aujourd’hui au prix Nobel de médecine attribué récemment au Japonais Shinya Yamanaka.
Lundi 8 octobre : il était 18H30 à Tokyo quand fut annoncé le nom des récipiendaires du prix Nobel de médecine 2012: le Britannique John Gurdon et le Japonais Shinya Yamanaka, de l’Université de Kyoto, tous les deux récompensés pour leurs techniques de reprogrammation de cellules matures qui reviennent ainsi presque à l’état embryonnaire indifférencié. Non seulement, ces travaux sur les cellules souches dites pluripotentes induites (iPS) offrent de grands espoirs médicaux mais ils ouvrent aussi de nouveaux horizons aux industriels nippons de l’électronique.
En ce lundi 8 octobre férié (jour de l’éducation physique), le professeur Shinya Yamanaka était chez lui, assis devant son lave-linge, tentant de le réparer, lorsque le téléphone sonna: comité Nobel. L’homme, 50 ans, venait d’être choisi par la prestigieuse institution comme lauréat du prix Nobel de médecine 2012. Immédiatement après l’annonce, les Nippons se déchaînaient sur Twitter. Les grands journaux imprimèrent illico une page spéciale distribuée gratuitement dans la rue, les télévisions consacrèrent grosso modo l’intégralité de leurs sessions d’information à cette consécration internationale.
Les recherches de M. Yamanaka sont bien connues des Japonais, car elles sont régulièrement évoquées dans la presse, ce dernier enchaînant les résultats surprenants après avoir mis au point une technique qui permet de faire revenir une cellule (de la peau par exemple) à un stade non spécialisé (proche du stade embryonnaire) pour la reprogrammer et lui conférer d’autres fonctions (par exemple devenir cellule du foie ou d’un autre organe). Le nom iPS (induced pluripotent stem cells – cellules souches pluripotentes induites) a été choisi par le professeur Yamanaka et s’écrit avec un « i » minuscule comme iPod ou iPhone.
Non seulement cette technique laisse espérer de grandes avancées dans la médecine régénératrice, mais elle contourne aussi le problème religieux que pose le prélèvement de cellules souches sur un embryon.
En termes industriels, les travaux de M. Yamanaka sont extrêmement porteurs pour des groupes comme Sony, Nikon, Hitachi, Fujifilm ou Pansasonic qui, outre leur produits grand public, développent des appareils indispensables pour compter, trier, qualifier, multiplier les cellules.
La semaine passée, était évoqué dans la chronique Live Japon le cas de Sony qui a mis au point un appareil qui compte et qualifie les cellules en les faisant passer à grande vitesse sous un faisceau laser. Sony a exploité pour ce faire les technologies utilisées pour les lecteurs de disques Blu-Ray.
Nikon a pour sa part conçu un système qui permet de trier les cellules et de ne conserver que celles de meilleure qualité, et ce en employant des technologies de traitement de l’image (la qualité des cellules se distingue par l’apparence).
Kawazaki Heavy Industries, groupe connu du grand public pour ses motos, a pour sa part développé une machine qui permet cultiver des cellules automatiquement, c’est-à-dire de reproduire les gestes habituellement effectués par des chercheurs pour sélectionner les bonnes cellules (celles qui ne sont par différenciées) en utilisant des technologies robotiques et de traitement de l’image. Ce type d’appareil, conçu pour la première fois en 2010, donne la possibilité de cultiver des cellules en très grande quantité, ce qui est nécessaire lorsqu’on espère à l’avenir pouvoir remplacer tout ou partie d’un organe défectueux à un coût admissible.
Hitachi oeuvre aussi dans le même domaine, ainsi que Fujifilm ou Panasonic qui a conçu un appareil permettant aux chercheurs d’effectuer ce tri reproductif de cellules souches pluripotentes induites.
Les acteurs de la Bourse de Tokyo ne s’y sont pas trompé: dès le lendemain de l’annonce du Nobel, les actions de groupes concernés ont d’emblée grimpé.
Fier de ce prestigieux prix et remercié par le récipiendaire, l’Etat japonais est bien conscient du potentiel des iPS pour les malades (notamment les personnes atteintes de maladies dégénérative comme la sclérose latérale amyotrophique – ALS- ou la maladie de Parkinson) et pour l’industrie nippone. De facto, les budgets consacrés à ces recherches vont être grandement augmenté (le gouvernement l’a promis), et les Sony, Nikon, Hitachi ou Panasonic vont aussi assurément doper leurs investissements dans ce secteur, le tout sur fond de compétition internationale, notamment avec les Etats-Unis.
S’il peinait auparavant pour trouver des aides et financements, au point de s’imposer des marathons pour faire connaître ses travaux (en exploitant notamment divers services en ligne) et obtenir des fonds, le professeur Yamanaka peut être un peu rassuré: l’argent venant de particuliers a aussi afflué dès le jour de l’annonce de la récompense sur le site internet spécial de dons sur lequel il s’était inscrit quelques mois auparavant. En revanche, le compte Twitter à son nom est l’oeuvre d’un faussaire qui a bien joué son coup: en quelques heures il a gagné des milliers de suiveurs, au point même que le laboratoire de M. Yamanaka a du publier un avertissement pour indiquer que le professeur n’utilisait pas Twitter et appeler le grand public à la vigilance.
Interrogé directement sur ce qu’il éprouve, M. Yamanaka répond par deux mots: « gratitude », envers son pays, ses collaborateurs, sa famille et tout ceux qui l’ont aidé, puis « responsabilité », car ses recherches, bien que prometteuses, n’ont toujours pas été mises en application concrète dans les traitements de maladies humaines, malgré des résultats encourageants sur des souris, et les risques associés (cancers notamment) ne sont pas négligeables.
Source : Clubic